Depuis le 1er mars, les médecins peuvent prescrire du sport sur ordonnance. Des prescriptions d’un nouveau genre qui encouragent les patients à avoir une activité physique régulière sur le long terme.
Le sport sur ordonnance : c’est pour qui ?
Si ce nouveau décret est intéressant, il reste pour l’instant assez flou. Pour qui ? Pour quoi ? Comment ? Des questions se posent encore quant au fonctionnement de ses nouvelles ordonnances. D’abord, tout le monde ne peut pas se faire prescrire une activité physique. Ces ordonnances sont destinées aux personnes souffrant d’une affection de longue durée comme le diabète, la maladie de Parkinson, le cancer, l’hépatite, la maladie d’Alzheimer, les hernies discales… 10 à 11 millions de français sont concernés, soit environ 1 français sur 6.
Comment ça se passe ?
Les prescriptions devront être faites par le médecin traitant du malade. Pour se faire, le médecin devra remplir un formulaire spécifique et non pas une simple ordonnance. Avant cela, le patient devra subir des examens pour établir si oui ou non la pratique d’une activité physique pourrait lui être bénéfique. En fonction de cela, le médecin le dirigera vers une activité adaptée à sa pathologie. Dans la pratique, ce n’est pas une véritable révolution. Les médecins avaient déjà l’habitude de prescrire des séances de kiné par exemple. De la même manière, ils pourront désormais prescrire des séances de sport. Ainsi, les médecins peuvent envoyer leurs patients vers des éducateurs sportifs, des kinésithérapeutes, des psychomotriciens, des ergothérapeutes… Avec l’accord des patients, ces derniers pourront transmettre ponctuellement un compte-rendu au médecin prescripteur sur le déroulement de l’activité physique et l’évolution du patient.
Néanmoins, plusieurs points restent encore en suspend. En effet, il peut être compliqué pour un médecin traitant de choisir un sport adapté à une pathologie. De plus, une fois la prescription faite, se pose la question de savoir vers qui le praticien envoie son patient. Il est en effet primordial que l’éducateur sportif soit formé et au courant de la pathologie de chaque patient qui le consulte sur ordonnance. Par exemple, un patient avec des difficultés respiratoires ne doit pas être entraîné de la même manière qu’un patient qui n’en a pas, ou bien qu’un patient atteint d’une pathologie différente. La prise en charge des patients doit impérativement être personnalisée afin d’éviter les risques.
Les bénéfices du sport sur la santé
La France figure parmi les plus gros consommateurs de médicaments en Europe. Prescrire une activité physique permet de réduire la consommation de médicaments. En effet, la Haute Autorité de Santé considère le sport comme une activité « thérapeutique non médicamenteuse validée » depuis 2011 en ce qui concerne le traitement du cancer. L’Organisation Mondiale de la Santé affirme également que la sédentarité est une des causes principales de 21 à 25% des cancers du sein ou du colon, de 27% des cas de diabète et d’environ 30% des cas de cardiopathie ischémique. Des chiffres révélateurs qui mettent en lumière la nécessité d’inclure la pratique d’un sport dans le traitement de certaines maladies.
Des études de plus en plus nombreuses démontrent les effets bénéfiques d’une pratique sportive régulière sur l’évolution de certaines maladies comme les cancers, les diabètes ou les insuffisances respiratoires, entre autres. Faire du sport permet également de réduire les risques de maladies chroniques, notamment cardio-vasculaires, et diminue considérablement les risques de rechutes dans les cas de cancers du sein et du colon.
Outre le fait d’avoir des effets sur la santé physique des patients, c’est aussi un excellent moyen de continuer à voir du monde, de rester sociable et de prévenir la dépression liée à certaines maladies graves.
Les limites d’un tel décret
Si ce nouveau décret contient des zones d’ombres, il connait aussi certaines limites. Se pose en effet la question du financement. Ces activités physiques ne seront pas prises en charge par la sécurité sociale malgré le fait qu’elles soient sous prescription. Pour quelles raisons ? Valérie Fourneyron, ministre des Sports en 2012 et initiatrice de la mesure à l’époque, explique : « Cela ne peut pas être pris en charge par la Sécurité Sociale car ce n’est pas un acte coté. C’est difficile de dire : une leçon de tennis adapté vaut une consultation à 23 euros. Il faut des crédits fléchés par les collectivités territoriales, des financements privés, comme pour les réseaux de prise en charge de la toxicomanie ».
Le fait que la sécurité sociale ne prenne pas en charge une telle mesure pose problème. Cela implique que le patient doive financer les séances de sport qui lui seront prescrites. Or, si on considère le sport comme un soin, le fait qu’il ne soit pas remboursé entraîne des inégalités d’accès aux soins. Tout le monde n’a pas les moyens de payer des cours de sport ; il s’agit là du gros point noir de cette nouvelle mesure.
Absence de financements : quelles solutions ?
Toutefois, certaines villes et organismes prennent les devants afin de palier ce problème de financement. C’est le cas de la ville de Strasbourg par exemple, dans laquelle le sport sur ordonnance a été lancé en 2012. Déjà 1500 personnes en bénéficient. La ville a mis en place un système pour financer les séances de sport des patients. La première année est gratuite, puis les deux années suivantes sont évaluées en fonction des revenus de chaque patient grâce à un système de financement solidaire à laquelle participent la ville et d’autres organismes strasbourgeois.
D’autres villes ont également cherché une alternative à cette absence de financement. A Biarritz, une association prépare des programmes sportifs adaptés à chaque patient et à leur pathologie. Dans les Yvelines, le comité de la Ligue contre le Cancer a mis en place des séances de sport gratuites pour les patients atteints de cancers. Autre possibilité de remboursement : les mutuelles. Ainsi, la Maif rembourse les frais de sport sur ordonnance à hauteur de 500€ par personne sur deux ans. Si cette nouvelle mesure comporte des zones d’ombre, les organisations se mobilisent pour permettre à tous les patients d’en bénéficier malgré les inégalités d’accès aux soins que l’absence de financement implique.
Une diminution du coût des soins sur le long terme
La thérapie non-médicamenteuse qu’est le sport est un bon point pour la Sécurité Sociale. En effet, les patients qui pratiquent une activité physique régulière diminuent considérablement, voire arrêtent complètement leur consommation de médicaments. C’est une bonne chose sur le long terme : les avantages du sport sur la santé des malades sont synonymes d’une diminution des médicaments à rembourser. Par exemple, un rapport du CNAPS (conseil national des activités physiques et sportives) datant de 2007 démontre que la pratique d’une activité physique régulière permettrait de réduire de moitié les coûts des soins chez les diabétiques. C’est aussi une alternative plus naturelle sur le long terme, tant pour les patients que pour l’environnement.
Ce nouveau décret comporte donc de nombreux aspects positifs : l’amélioration de l’état de patients atteints de certaines pathologies, pour commencer, ainsi que la prévention d’éventuelles rechutes. Cela pousse également les patients à faire du sport, dont les bienfaits ne sont plus à démontrer. Sur le long terme, c’est aussi une bonne solution pour réduire la consommation de médicaments. Toutefois la question de l’absence de financement continue à se poser, même si de plus en plus d’organismes se mobilisent pour trouver des alternatives.